Le département de l’Aveyron est un important territoire d’élevage, premier département ovins de France, et dont l’agriculture représente plus du tiers du PIB aveyronnais. Avec plus 86% de surfaces en herbe, des exploitations familiales à taille humaine (58 hectares en moyenne), l’élevage y est extensif, porteur de nombreux signes officiels de qualité, et se classe parmi les tous premiers départements bio français (10% des 7 500 exploitations agricoles).
L’Aveyron comme d’autres département en France et en Europe a assis son économie sur deux piliers intrinsèquement liés, l’agriculture et le tourisme, le premier permettant d’entretenir le développement du second.
Le développement de l’espèce loup, particulièrement observable ces dernières années, vient fortement impacter le développement économique de notre territoire. En effet, en près de 40 ans, la population lupine est passée d’une cinquantaine d’individus à plus de 1 100 dans 55 départements français, dont l’Aveyron. La situation actuelle de l’espèce n’a plus rien à voir avec celle de 1979 où l’espèce était réellement menacée.
En 2017, le contexte local de développement du loup et la position de leader en élevage ovin en France (1 million de têtes ovines) de notre territoire a conduit les autorités locales à la commande d’une étude pour répondre à l’opportunité de la mise en place des moyens de protection.
Cette étude, « l’adoption des moyens de protection des troupeaux sur le territoire des Grands Causses permettrait-elle aux systèmes d’élevage ovins de rester viables face à l’arrivée des loups » a permis de mettre en évidence le coût exorbitant du déploiement des mesures de protection à l’échelle du territoire des Grands causses, espace par ailleurs classé au patrimoine immatériel de l’Unesco en raison du pastoralisme.
A l’échelle de ce grand territoire touristique du Larzac, 22 à 35 millions d’euros auraient été nécessaires pour mettre en place une protection des troupeaux ovins sur 41 communes et 315 élevages, (17% des élevages ovins lait uniquement de la zone), 3 500 km de clôtures hautes, 2 500 chiens de protection, l’emploi de 70 bergers (plaçant 1/3 des troupeaux laitiers en arrêt d’activité car ils passeraient sous le seuil de rentabilité, condamnant ainsi les troupeaux de brebis de race à viande qui ne résisteraient pas à l’investissement).
La mesure concernant la non-protégeabilité des troupeaux en front de colonisation est venue conséquemment faire baisser la pression de prédation.
Malheureusement, depuis le début de cette année 2023, nous notons une augmentation conséquente des attaques, à un niveau qui laisse présager un retour à l’identique de celui connu en 2018. En cause, un nombre de loup qui ne cesse de croître en France. Ce nombre de meutes en expansion significatif et constant laisse redouter un danger réel pour les hommes, bien au-delà de l’explosion des coûts engendrés par les différents plans d’accompagnement au développement de l’espèce (60 millions d’euros environ).
D’autres travaux menés depuis 2017 par les organismes de recherche scientifiques français, entre autres, l’INRAe, le Cerpam, l’Idele, démontrent l’ampleur des autres dégâts du retour du loup sur nos territoires ; des dégâts qui ne sont pas accompagnés et demeurent difficilement chiffrables.
Preuve à l’appui, l’étude « Enquête socio-anthropologique sur les conséquences de la présence du loup sur le travail et la santé des éleveurs et bergers » produite par Antoine DORÉ et Frédéric NICOLAS démontre un impact et un coût certain sur la prise en charge des agriculteurs touchés par les attaques de loup, par les services de santé.
Une commande du Ministère de la Transition Ecologique pour l’évaluation des « Pertes indirectes », une étude nationale confiée à l’IDELE-INOSYS, présentée en mai dernier mais non publiée pour l’heure, laisse apparaitre des coûts indirects potentiellement indemnisables, relatifs à la baisse de production consécutive aux attaques : baisse de fertilité, avortements, mauvaise réaction-adaptation de l’éleveur en réponse, problèmes sanitaires, modification du système d’exploitation (abandon des pâtures au profit d’une alimentation en bâtiment).
Enfin, le bilan établi par les chercheurs du réseau COADAPHT, « Des loups en France depuis 30 ans : quel bilan en élevage et quelle piste de solution ? » confirme, à la vue de l’évolution des courbes croissantes d’attaques et d’individus en France, l’inefficience des équipements de protection.
En effet, plus de 90 % des attaques réussies se déroulent dans des élevages ayant adopté les moyens de protection préconisés. La cohabitation est impossible avec l’élevage mais aussi avec les autres usagers de ces espaces ruraux, d’où la nécessité de prendre en compte le comportement du loup, opportuniste, capable de mesurer et d’apprendre ou réapprendre ou il peut préférentiellement attaquer sans danger. L’objectif recherché doit être d’obtenir « zéro » attaques sur nos troupeaux.
Aussi, sur le modèle équivalent à celui adopté récemment par les autorités Suisses, nous considérons qu’il est urgent de permettre les tirs préventifs sur les loups qui attaquent les troupeaux ou pourraient présenter un danger pour l’homme et de procéder au prélèvement de meutes afin de réduire la pression sur les régions très impactées. Il convient de changer de logique sur la gestion de cette espèce, de privilégier d’abord la protection des troupeaux, de l’élevage, du pastoralisme et des activités présentes sur le territoire.
Le projet de Plan d’Action National sur le loup et les activités d’élevage 2024-2029 à paraître prochainement demeure plus qu’insuffisant. Même si la possibilité de faire évoluer la méthode de comptage existe, elle ne paraît pas acquise. Aucune avancée n’est perceptible sur l’évolution du statut du chien de protection pour dégager la responsabilité de l’éleveur en cas d’incidents avec les autres usagers de nos espaces ruraux français.
Ainsi, nous préconisons de passer aujourd’hui d’une logique d’accompagnement et de régulation, à une logique de prévention, absente pour l’heure. A plus long terme, nous appelons de nos vœux à une réelle prise de conscience collective de la dangerosité effective du loup pour les populations.
Dans cet esprit, nous demandons la révision de la convention de Berne qui fait du loup une espèce « strictement protégée » ; la reclassification du statut du loup en simple « espèce protégée » paraît absolument essentielle. La Directive « Habitats » et l’inscription « Canis Lupus » à l’annexe II et IV doit être également révisée et nous demandons à l’État français d’exprimer explicitement cette demande.
Arnaud Viala
Président du Département de l’Aveyron – Ancien Député
Stéphane Mazars
Député de la 1ère circonscription de l’Aveyron
Jacques Molières
Président de la Chambre d’Agriculture de l’Aveyron
Laurent Saint-Affre
Président de la FDSEA de l’Aveyron
Michaël Garrigues et Julien Tranier
Co-présidents des Jeunes Agriculteurs de l’Aveyron
Jean-François Rousset
Député de la 3ème circonscription de l’Aveyron
Jean-Claude Anglars
Sénateur de l’Aveyron
Alain Marc
Sénateur de l’Aveyron