Les activités agropastorales liées notamment à l’élevage ovin se trouvent fortement menacées sur nos territoires face au retour avéré du loup faisant craindre le pire pour le devenir de ces entrepreneurs locaux.
Les éleveurs, notamment ceux des territoires de montagne, subissent depuis plusieurs années des attaques de loups sur leurs troupeaux. Une recrudescence de ces attaques est constatée depuis de nombreux mois, impactant dramatiquement l’équilibre de notre modèle d’élevage fondé sur une tradition agro-pastorale longue de plusieurs siècles.
La multiplication des attaques menace très fortement l’activité agricole dans de nombreux territoires et massifs montagneux. À cela s’ajoute évidemment une détresse morale et psychologique de plus en plus élevée qui génère aujourd’hui un niveau de tension qui ne peut que devenir insupportable si rien de durable n’est entrepris dans les meilleurs délais.
Le but n’est pas de faire un procès au loup ni de demander son éradication de notre territoire. Il est essentiel aujourd’hui de trouver des solutions de court terme qui permettent de contenir l’augmentation intolérable des attaques (jusqu’à une par jour, ces dernières semaines).
Ainsi avec plusieurs députés, Marie-Noëlle BATTISTEL, Emilie BONNIVARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Vincent ROLLAND, et moi-même nous souhaitons initier une réflexion globale sur la question, transpartisane, au niveau français et européens.
Notre volonté est d’aboutir à une modification des textes européens en déclassant le loup au sein de la Convention de Berne et, le cas échéant, une modification de la législation française découlant de ces textes. La Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe communément appelée Convention de Berne protège le loup « Canis Lupus », expressément nommé dans la Convention à l’annexe II au titre d’espèce strictement protégée et qui, de ce fait, ne peut être chassé.
En effet, il est mentionné à l’article 6 que « chaque Partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées dans l’annexe II ». L’article 9 prévoit qu’il est possible de déroger à la protection stricte des espèces protégées sous certaines conditions, parmi lesquelles la prévention de dommages importants au bétail, « à condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de la population concernée ». En France, un arrêté interministériel définit chaque année la réglementation organisant les modalités auxquelles sont soumises les opérations d’effarouchement, les tirs de défenses et les tirs de prélèvements autorisés pour prévenir les dégâts que la prédation du loup peut faire subir aux élevages.
Si le loup est inscrit dans les annexes II et IV de la directive « Habitats » de l’Union européenne, comme devant faire l’objet « d’un système de protection stricte […] dans leur aire de répartition naturelle, interdisant toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de ces espèces dans la nature » (article 12, relatif à la protection des espèces), il faut prendre en compte la disproportion d’un tel règlement datant de 1992. Si elle laisse le choix des méthodes et des moyens, la directive entraîne une obligation de résultat. Ce faisant la législation permet au loup d’être considéré dans un cadre de protection bien défini alors que les éleveurs pastoraux, à la recherche d’une cohabitation stable et prospère, ont plus de difficultés à se voir défendre par la loi.
Il est important de noter qu’aucune volonté d’extermination du loup n’a été signifiée de leur part, il s’agit seulement de rechercher un équilibre, pressant, entre troupeaux ovins et le loup. Ce bon sens, accompagne nombre d’hommes et de femmes soucieux de pouvoir exercer leurs activités en toute sérénité sur les plateaux.
La Plan loup, attendu de longue date, en particulier par les éleveurs des massifs touchés par la prédation du loup, et leurs représentants, est source de beaucoup d’inquiétudes et également de réserves très fortes partout dans le pays. Il semble difficile d’envisager une amélioration des conditions de coexistence du loup et des troupeaux à l’aune de la mise en œuvre de ces mesures. Pire, il est même à craindre que la situation, déjà particulièrement tendue, ne s’aggrave encore. Un élément pose particulièrement question, celui du nombre de loups présents sur le territoire national. Alors que le plan loup prévoit qu’il « monte » à 500 sur la période 2018-2023, de forts doutes planent sur le nombre exact d’individus actuellement recensés, et par voie de conséquence sur les modalités de leur comptage. Les campagnes visant à répertorier les loups sur un territoire via une stimulation sonore visant à provoquer un hurlement de l’animal semblent bien moins fiables que les tests ADN.
Les projections du plan loup tablant sur 500 individus en France semblent peu réalistes. En 2017, le décompte de loups a établi la population française à 360 spécimens contre 292 la saison précédente, à cette vitesse, le nombre de 500 loups est une estimation très inférieure à la réalité de la croissance démographique du loup. Le nombre d’attaques est en constante augmentation, les prospections réalisées par l’Observatoire Du Loup indiquent clairement que le loup gagne de plus en plus de départements, en direction du nord-ouest, bien loin des massifs montagneux.
Cependant, l’Etat indique que les populations de loup restent stables et ainsi les mesures destinées à la protection des troupeaux sont bien inférieures à ce qui est réellement nécessaire. La volonté du Gouvernement précédent dans ce domaine était parfois contradictoire, rejetant sans cesse la faute sur l’Europe et qu’il n’allait pas dans le sens des éleveurs bien que certaines avancées, certes minimes, aient parfois été proposées. Les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement semblent toujours se renvoyer le dossier de la protection du loup ainsi que des mesures destinées à soutenir les éleveurs. La France prône la prééminence du droit Européen sur la question. Or, Les services de la Commission Européenne en charge de ce dossier, énoncent clairement que les Etats disposent d’une marge de manœuvre importante pour adapter les mesures à leurs spécificités locales. Ces conflits de normes créent, là encore, des situations de blocage et ce sont de nouveaux les éleveurs qui sont victimes.
Un autre problème se pose quant aux analyses effectuées sur les animaux suites aux attaques. Les différents procédés ne sont pas tous fiables a 100%, certains sont très coûteux, mais aussi, les résultats ne sont pas toujours communiqués aux éleveurs dont le troupeau a été attaqué. Dénonçant l’opacité des analyses officielles, les éleveurs ont décidé de procéder, à leurs frais, à des prélèvements d’ADN sur les scènes de prédation. De fait, les loups sont plus nombreux qu’annoncés officiellement
De plus, l’INRA a mené une étude sur le territoire de l’Aveyron publiée en octobre 2017. Les résultats indiquent qu’il faudrait installer entre 2 000 et 3 400 km de clôtures fixes sécurisées, en fonction du scénario, et utiliser entre 2 850 et 1 700 chiens patous. Le coût d’investissement de ces mesures varie entre 23,3 et 35 millions d’euros. Ce à quoi il faudrait ajouter des frais de fonctionnement allant, en moyenne de 20 000 à 24 000 € par an et par exploitation. En conclusion de cette enquête, il est précisé que « Malgré la prise en charge partielle par le plan loup du coût de protection, entre 25 et 40 % des élevages laitiers demeureraient sous le seuil de viabilité économique ».
Il semblerait que cette situation ait conduit, de part et d’autre de l’Europe, à des idées pour parvenir à une solution efficace. Le problème du loup est posé ailleurs qu’en France avec des gestions bien différentes, sur lesquelles il apparaît pertinent de se pencher. Par conséquent, l’élaboration d’un groupe de travail en lien avec les institutions européennes semble être une opportunité à saisir puisqu’il apparaît pertinent d’amener la question du loup à l’échelle communautaire tout en profitant de l’expertise d’élus européens.
C’est pourquoi, il est essentiel d’offrir tant aux victimes des prédations qu’aux espèces protégées les conditions d’une concertation sur la coexistence spatiale. Il s’agit de soulager ceux qui s’efforcent de rendre l’espace rural viable, en proposant une gestion plus innovante de ce cas-là. Outre les pertes animales, ce sont les éleveurs et leurs familles qui sont menacés. Il en va aussi de la quiétude sociale des territoires ruraux de France concernés, dans lesquels le débat pro-loup/anti-loup aura immanquablement des conséquences terribles.