Jean-René Cazeneuve et moi-même, sommes rapporteurs de la mission « flash » sur l’expérimentation et la différenciation territoriale.
Voir la synthèse du colloque organisé au Sénat « Les rapports juridiques des collectivités territoriales entre elles et avec leurs groupements – l’adaptation locale de l’organisation territoriale ».
Cette mission flash, passionnante, nous a conduits à auditionner de nombreux experts de la Constitution et de l’Administration françaises pour parfaire les dispositifs ouvrants pour le territoire la possibilité d’expérimenter, de se différencier, d’adapter.
En clair, le rapport que nous présenterons mi-mai 2018 donne les clés de lecture d’une façon nouvelle de concevoir la loi, afin qu’elle prenne en compte les réalités locales.
Ce travail – fondamental à mes yeux – sera remis au gouvernement en amont des décisions sur la réforme constitutionnelle et a vocation à nourrir sa réflexion sur ses contenus définitifs.
Ce colloque, co-organisé par la chaire « Mutations de l’action publique et du droit public » de Sciences Po Paris et la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat, comportait 3 tables rondes associant sénateurs, élus locaux et universitaires :
* Les deux premières consacrées aux instruments existants permettant aux CT d’adapter leur action locale – instruments qualifiés de verticaux (transfert de compétences, délégation de compétences, chef-de-filât, schémas prescriptifs) ou horizontaux (mutualisation des services, contractualisation entre CT) ;
* La troisième consacrée aux enjeux et logiques d’action des CT, avec trois sous-thématiques : la différenciation facilitée ; la territorialisation de l’action publique ; la subsidiarité.
Le constat partagé est celui d’une double tendance à l’œuvre dans l’action territoriale ces dernières années :
* D’une part, une tendance à l’augmentation de la taille des collectivités (grandes régions, métropoles, intercommunalités agrandies, communes fusionnées), dans une logique de recherche d’une certaine taille critique des CT et d’économies d’échelle ;
* D’autre part, une recherche de territorialisation accrue de l’action publique, pour exercer les compétences au plus près des besoins locaux, conformément au principe de subsidiarité affirmé à l’article 72, alinéa 2 de la Constitution.
La conjonction de ces deux tendances a amené le législateur à créer des outils permettant aux CT d’adapter les modalités d’exercice de leurs compétences afin de les exercer au niveau le plus adapté. La majorité des participants a estimé que les outils existants, verticaux ou horizontaux, permettent globalement de mettre en œuvre une différenciation des compétences rendant possible leur exercice par la ou les collectivités les mieux à même de les exercer. Ont toutefois été soulignés, la jeunesse de certains des mécanismes de différenciation, le fait qu’ils ne sont pas forcément utilisés à plein par les CT, et la nécessité que des accords politiques locaux permettent de faire progresser les projets communs.
Les intervenants ont néanmoins souligné plusieurs inconvénients de ces outils de différenciation : la complexité de certaines procédures (délégation de compétences en particulier) ; certaines absurdités, telles que la délégation par une intercommunalité à une commune d’une compétence précédemment transférée de la commune à l’intercommunalité ; les difficultés liées au financement et au croisement des flux financiers.
Il a été relevé que la mise en œuvre des différentes possibilités de différenciation existantes aboutissent déjà à une carte territoriale substantiellement modifiée par rapport au modèle traditionnel unitaire, faisant évoluer le curseur de l’organisation territoriale vers un modèle nouveau et original qui n’est plus ni totalement unitaire, ni fédéral ou régionaliste.
La majorité des intervenants a estimé qu’une étape supplémentaire dans la différenciation des collectivités aurait certes pour effet de complexifier encore davantage l’organisation territoriale de la France, mais aurait le mérite de renforcer la possibilité pour les collectivités de rechercher le juste niveau d’exercice des compétences. Ils ont estimé souhaitable une évolution constitutionnelle qui permettrait davantage de possibilités de différenciation.
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